William Eggleston : une carrière haute en couleur

Mai 17, 2024 | Culture | 0 commentaires

Véritable légende vivante de la photographie, maître de la photo en couleur et amoureux de la banalité et du commun, William Eggleston est un photographe dont le travail divise les passionnés et les professionnels depuis plus de 50 ans. Dans cet article, Club Argentique revient sur la carrière de ce photographe mythique qui s’est battu pour briser les barrières monochromes de l’art.

Une enfance banale

William Eggleston est né en 1939 à Memphis dans le Tennessee, il grandit dans une famille de la classe moyenne qui s’intéresse peu à l’art. Cependant, il se passionne très tôt pour les arts visuels, entreprenant notamment une collection de cartes postales, une jeunesse en opposition avec le parcours classique des jeunes du sud des États-Unis, plutôt traditionalistes. Eggleston est un enfant plutôt introverti mais d’une curiosité rare, il s’intéresse aussi beaucoup à la musique et à l’électronique. Malgré 5 ans passés à étudier à l’université sans obtenir un seul diplôme, c’est à cette période qu’Eggleston commence la photographie, après qu’un ami lui ait donné un Leica. Il découvre alors les travaux de Cartier-Bresson et des photographes américains Robert Frank et Walker Evans, dont il s’inspirera grandement à ses débuts. 

Le passage à la couleur et la découverte du dye transfer

À ses débuts, William Eggleston photographie en noir et blanc, car c’est la norme à l’époque en ce qui concerne la photographie de rue. En effet, jusque dans les années 1970, la photographie en couleur est utilisée quasiment uniquement pour la publicité, on ne trouve à cette époque presque aucune photo en couleur dans les musées. Il s’intéresse à son environnement, aux endroits qui lui sont communs, où il a grandi et évolué. C’est en 1965 que William Eggleston passe à la couleur, après avoir photographié pendant près de 10 ans uniquement en noir et blanc. 

Eggleston part enseigner à Harvard entre 1973 et 1974, c’est à cette période qu’il découvre la technique de tirage dite “dye transfer” (ou “transfert de colorant », en français). Le dye transfer était initialement utilisé pour la photographie publicitaire, c’est une technique de tirage qui contribuait à obtenir des images d’une grande qualité, avec des détails fins, une fidélité dans les teintes, un éclat dans les couleurs et une durée de vie tout à fait remarquable. Le dye transfer permettait un contrôle complet sur la couleur grâce à sa réalisation en 3 étapes : une étape par couche de couleur, cyan, magenta, et jaune. Cependant, le dye transfer était très coûteux et complexe à réaliser, l’évolution des technologies d’impressions ont poussé le dye transfer à être progressivement abandonné dans les années 1980. 

Avec la découverte du dye transfer, William Eggleston parvient à reproduire les couleurs vives qui l’animent lorsqu’il photographie les scènes du quotidien qu’il traverse. 

William Eggleston au MoMa : la consécration

Au début des années 1970, William Eggleston fréquente la scène artistique de New York, intégrant même la Factory d’Andy Warhol, avec qui il partage beaucoup de similitudes dans son approche de l’art. À New York, Eggleston rencontre aussi les photographes Lee Friedlander et Garry Winogrand, qui lui conseille de montrer ses images à un certain John Szarkowski, alors conservateur au Museum of Modern Art (MoMA) de New York. Au milieu des années 1970, la photographie en couleur n’est toujours pas prise au sérieux dans le monde de l’art, jusqu’alors, seul Ernst Haas a exposé ses photographies en couleurs au MoMA en 1962. Cependant, John Szarkowski parvient à convaincre la direction du musée d’acheter une image à Eggleston, le faisant alors entrer dans une nouvelle dimension. 

C’est en 1976 qu’une exposition entière sera consacrée au travail de William Eggleston, faisant de lui le second photographe à exposer des images en couleur dans le musée le plus célèbre du monde. L’exposition sera durement critiquée par les médias, le New York Times allant même jusqu’à la titrer comme “l’exposition la plus détestée de l’année”. L’agitation autour de cette exposition va en réalité attirer l’attention sur Eggleston qui sera commissionné la même année par le magazine Rolling Stone pour aller photographier la ville de Jimmy Carter, alors candidat aux élections présidentielles qui approchent. Cette mission donnera vie à l’un des ouvrages les plus convoités de l’artiste, Election Eve

Bien que durement critiquée à l’époque, l’exposition d’Eggleston au MoMA, et le livre qui l’accompagne, William Eggleston’s Guide, ont profondément marqué l’histoire de la photographie, pavant la voie aux futurs photographes couleurs tels que Joel Meyerowitz ou Martin Parr. 

L’héritage de William Eggleston

Le travail de William Eggleston a profondément marqué l’histoire de la photographie. Ses images ont largement contribué à la légitimation de la photographie en couleur, jusqu’alors considérée comme vulgaire et liée à la publicité. Sa vision sur ses sujets et ses compositions typiques ont été qualifiées de “caméra démocratique”, l’idée étant de photographier des sujets communs sans imposer aucune hiérarchie dans l’image. Eggleston ne se considère jamais supérieur aux choses et aux gens qu’il photographie.

L’utilisation de la technique coûteuse et complexe du dye transfer vient en opposition totale avec les images du quotidien qu’il crée, permettant à ses images de prendre une tout autre dimension. Sa maîtrise de la composition et des couleurs ont marqué l’histoire de la photographie, inspirant les générations suivantes de photographes, mais aussi de cinéastes, notamment de David Lynch et Sofia Coppola. 

Le mot de Club Argentique

William Eggleston fait partie de ces photographes dont tout le monde connaît au moins une image sans forcément connaître le nom de son créateur. William Eggleston est une référence que les passionné.e.s de photographie ont tous.tes à l’esprit. Sa gestion de la couleur, ses compositions ainsi que les sujets auxquels il donne de l’importance sont tous des points qui inspirent encore aujourd’hui des milliers de photographes partout dans le monde. William Eggleston est en quelque sorte un magicien capable de sublimer le banal et de le rendre unique et intéressant. 

Chez Club Argentique, William Eggleston est une inspiration sans équivoque en matière de photographie en couleurs. Chacune de ses images est une leçon de composition qui mérite d’être étudiée. 

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